AFFAIRE SWEET BEAUTE: Un viol inachevé ?

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Le mois de mars 2021 restera à jamais gravé dans l’histoire politique du Sénégal. Ces évènements communément ap- pelés «affaire Adji Sarr-Sonko» ayant entrainé 14 morts, 600 blessés et plusieurs milliards de pertes matérielles, ont été un tournant décisif du magistère de Macky Sall qui depuis son arrivée au pouvoir en 2012, dirige le Sénégal d’une main de fer. Un an après, que reste-t-il de ce dossier poli- tico judiciaire?

L’affaire Adji Sarr- Ousmane Sonko est désormais entrée dans les annales de l’histoire politique du Sénégal de la plus triste des manières. Durant ces évènements où 14 jeunes sénégalais ont trouvé la mort, la justice est restée au point mort. Après l’interdiction de sortie du territoire et la confiscation du passeport du député leader du parti des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail et la Fraternité (PASTEF), le dossier Ousmane Sonko semble être rangé dans les tiroirs du juge d’instruction du premier cabinet du Tribunal de Dakar.

CONTEXTE POLITIQUE

Après l’élection présidentielle de 2019 avant laquelle, le protocole de Conakry a eu lieu liant, le Président et Abdoulaye Wade facilité par deux médiateurs que sont Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé, Macky avait obtenu son deuxième mandat avec brio par 58% des suffrages valablement exprimés. Après cette victoire, le coordonnateur national de BBY, qui avait reconnu vouloir un second et dernier mandat avant la présidentielle, semblait changer de veste. Au lendemain de sa réélection, celui-ci a ordonné à tous les membres de la majorité de ne pas se prononcer sur le mandat qui dans un passé récent (2011) avait entraîné des troubles. Paradoxalement, le Président Macky Sall ne sanctionnait pas ceux qui théorisaient un troisième mandat. Ainsi Sory Kaba, ancien directeur général des Sénégalais de l’extérieur, Moustapha Diakhaté, ministre conseiller et Me Moussa Diop, Directeur général de la société nationale de transport Dakar Dem Dikk (DDD) l’ont appris à leurs dépens. Ils seront virés sans aucune forme de procès par le maitre du Palais pour avoir soutenu que Macky Sall n’avait pas droit à un troisième mandat. Au même moment, les autres proches comme Mbaye Ndiaye, ministre Conseiller ne s’inquiétaient point de leurs sorties car théorisant un troisième mandat sous forme de deux mandats de 5ans.Mieux, y compris des journalistes proches du pouvoir soutenaient la thèse selon laquelle le mandat est une affaire politique, donc c’est par la politique que cela allait se régler (Madiambal Diagne et Mamoudou Ibra Kâne pour ne citer que ces deux-là). Joignant l’acte à la parole, le Président s’est débarrassé du poste de Premier ministre qui,sous le régime de Wade, a été à un moment donné, source de dualité au sommet de l’Etat. Afin d’éviter que cette situation se reproduise, Macky a concentré tous les pouvoirs entre ses mains sous le prétexte de l’efficacité. Voulant être l’alpha et l’oméga, le Chef de l’Etat voulait convaincre l’opinion qu’il est un homme indispensable, ce qui lui donnera une volonté de briguer un troisième mandat sous prétexte d’une demande populaire. De l’autre côté, des pourparlers ont été entamés avec les leaders de l’opposition. Finalement, ces rencontres secrètes vont aboutir à la transhumance d’Idrissa Seck président du parti Rewmi, Issa Sall candida tdu PUR et le retrait de Madické Niang de la scène politique. Ousmane Sonko et son parti avaient refusé de prendre part à ces négociations. Utilisant la politique du bâton et de la carotte, il ne restait plus d’autre option que de venir à bout de l’opposant radical. Ainsi, ce dernier qui avait éventré un « deal sur 94 milliards de FCFA» dans lequel Mamour Diallo, ancien Directeur des Domaines a été indexé, s’était fait des ennemis dans le camp du pouvoir dont certains sont soupçonnés d’avoir pris part à ce scandale. Ainsi, lorsqu’une jeune fille répondant au nom de Adji Sarr avait porté des accusations de viol contre l’opposant radical qui au fil du temps est devenu le chef de l’opposition, la machine judiciaire s’est emballée pour « guillotiner » Ousmane Sonko.

UNE PLAINTE

Dans la plainte qui semble être antidatée car datant du 02 Février 2021, la plaignante dit que le sieur Ousmane Sonko l’a violée en la menaçant de mort avec deux pistolets entre les mains si jamais elle pipait mot. Ce viol, selon la plaignante, a eu lieu la nuit du 2 au 3 Février. Le lendemain, à la section des recherches de la gendarmerie sise à la Caserne Samba Diéry Diallo de Colobane, Mlle Sarr se présente avec une plainte datant du 02 Février. Outre les contra- dictions dans le procès-verbal d’Adji Sarr et lors de la confrontation avec Aïssata Ba et Ndéye Khady Ndiaye propriétaire du Salon «SWEET BEAUTE », le certificat médical qui est la pièce maitresse de l’enquête, a démenti la plaignante comme quoi, non seulement la jeune fille a perdu sa virginité depuis long- temps mais n’avait pas des rapports sexuels durant la période mentionnée. Alors que la Section des Recherches se tournait vers une piste d’un «com- plot», le Procureur Serigne Bassirou Guéye récupère le dossier et le confie au juge Mamadou Seck du 2ième Cabinet. Ce dernier, craignant pour sa vie, retourne le dossier au doyen des juges Samba Sall qui sera obligé de diligenter la suite de l’enquête.

EMBASTILLEMENT DES CONTESTATAIRES

La première convocation d’Ousmane Sonko le 10 février par la Gendarmerie, a causé la première confrontation entre le régime de Macky Sall et les jeunes. Le Chef de l’Etat, qui n’a jamais été défié depuis 2012, a connu une résistance farouche des Pastéfiens. Durant toute la journée, la capitale fut le théâtre de manifestations violentes, un spectacle jamais vécu depuis l’arrivée de Macky au pouvoir. La machine s’emballe par la levée de l’immunité parlementaire et puis la convocation d’Ousmane Sonko au Palais de Justice où ildevait faire face au juge Samba Sall. Mais avant cela, l’Etat a pris lesoindenettoyerlespotentiels défenseurs de l’opposant qui pourraient inciter les jeunes à défier l’autorité. Ainsi, Guy Marius Sagna, Clédor Séne, Dame Mbodj et Cie seront alpa- gués et accusés puis poursuivis pour insurrection. Tandis que les coordinateurs de PASTEF Dakar et Thiès respectivement, Abass Fall et Biram Souléye Diop seront arrêtésetaccusésdetentative d’insurrection.

En effet, du fait que l’histoire politique démontre que les manifestations ont tou- jours eu lieu à Dakar et Thiès, le régime a voulu tuer la révolte dans l’œuf.L’image hideuse des nervis aux côtés des forces de l’ordreEntre-temps, pour laver l’af- front, le régime s’était préparé des plus viles manières. Pour la première fois, des nervis ont été recrutéspoursebattreauxcôtés desforcesdel’ordreafinde tabasser des manifestants. C’étaient des gens non identi- fiés, des gros bras qui utilisaient desvoituresdel’Administration.

Pourtant en partance pour le Tribunal, à plusieurs reprises, le Préfet de Dakar actuel Gouverneur de Saint Louis, Alioune Badara Samb, avait donné des ordres à la gendar- merie de disperser la foule qui avait accompagné le leader de Pastef. « Gazez tout le monde, y compris les journalistes ». Le téléphone scotché à l’oreille, le Préfet semblait recevoir des ordres qu’il exécutait à la lettre. Le GIGN qui est un corps d’élite, a arrêté Ousmane Sonko qu’il a acheminé au camp Samba Diéry Diallo. Avant les évènements du mois de mars, nombreux sont les chefs religieux qui avaient pris leur bâton de pèlerin pour éviter le pire. Malheureusement, l’an- nonce par le pôle d’avocats de l’opposant de la garde à vue d’Ousmane Sonko, aura été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les jeunes qui depuis 2012 ont subi les affres du régime avec un lot de scandales, en plus de l’humiliation qu’ils ont vécue durant le confinement accentué par une situation morose, en voulaient à mort au régime. Très rapidement, les manifestations gagnèrent presque l’ensemble du territoire sénégalais et gendarmes et policiers furent débor- dés car de nuit comme de jour, les jeunes ont maintenu le rythme qui a connu l’effet d’une boule de neige. 14 morts, 600 blessés, cela n’a nullement ébranlé l’ardeur des Sénégalais. Le mot d’ordre des manifestants était passé de «libérez Sonko» à «Macky dégage» !Dès l’instant, plusieurs responsables du régime, pris de panique, ont déserté leurs mai- sons et sont restés injoignables. Sachant que la Police et la Gendarmerie ne pouvaient plus contenir la rage des jeunes, l’Armée a été appelée en renfort, une situation jamais connue dans l’histoire politique du Sénégal.

Le lundi 08 mars, par une médiation du Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, le régime libère Ousmane Sonko et le calme revient. Malheureusement depuis lors, non seulement aucune enquête n’a été ouverte pour élucider les 14 morts, mais la procédure sur l’affaire Adji Sarr n’a pas connu de continuité. Ces évènements du mois de mars 2021, il faut le souligner, semblent précipiter la déca- dence du régime. En effet, lors des dernières élections locales, malgré le rejet massif des listes de la coalition Yewwi Askan Wi dont Ousmane Sonko reste le leader, la plus importante frange de l’opposition a remporté les grandes villes et l’axe Dakar- Diourbel en passant par Thiès, sans compter le sud du pays qui est resté la chasse gardée de Pastef.

Ce rythme va-t-il continuer aux prochaines élections législatives ? Rien n’est sûr car ce sera un revers de plus pour le régime que d’imposer une cohabitation à l’Assemblée nationale.

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