Les tensions avaient atteint un seuil inquiétant déjà lors des élections présidentielles de 1993 dans la capitale sénégalaise. L’assassinat du juge constitutionnel Me Babacar Seye en était la preuve et l’opposition d’antan avec a sa tête Mr Abdoulaye Wade et le parti démocratique sénégalais tint en échec le régime socialiste du président Abdou Diouf. Puis, l’inévitable se produisit en Février 1994 au moment du meeting de clôture de l’opposition sur le Boulevard du Centenaire. En mars 2021, des manifestations similaires s’étaient déroulées sur l’étendue du territoire national avec la mort de 14 jeunes et plus de 600 blessés.
Les incidents ont éclaté à l’issue d’une réunion publique organisée par la Confédération des forces démocratiques, coordination de cinq partis d’opposition (dont le principal, le Parti démocratique sénégalais de Me Abdoulaye Wade) pour dénoncer la cherté de la vie après la dévaluation de 50 % du franc CFA, le 12 janvier dernier. Des centaines de jeunes, armés de gourdins, de barres de fer et d’armes blanches, le visage masqué, ont déferlé sur le centre-ville, criant des slogans hostiles au président Abdou Diouf, saccageant tout sur leur passage, et attaquant les forces de l’ordre qui tentaient de les contenir à coups de grenades lacrymogènes.
Les manifestants ont réussi à atteindre les abords du palais présidentiel. La résistance s’intensifie, les mourchides entrent en jeux, à côté du PDS et des forces de l’opposition, ils multiplient les manifestations à travers le pays.
Une manifestation survenue au moment où pour les socialistes, l’urgence était de fragiliser le principal parti d’opposition en neutralisant ses alliés, créer des tensions, des casses et des crimes, imputer les dommages à l’opposition, arrêter les leaders et dissoudre les mouvements. Mais, ce 16 février, l’appel inattendu à marcher sur le Palais au moment de clôturer le meeting, allait plonger Dakar et sa banlieue dans des mouvements où les dégâts sont très importants. Certains manifestants, qui scandaient des slogans islamistes, seraient proches du mouvement intégriste Moustarchidina wal Moustarchidaty (Hommes et femmes de la vérité), dont le chef spirituel, Moustapha Sy, arrêté en novembre dernier, purge une peine d’un an de prison pour ” trouble de nature a discréditer l’Etat “.
Pourtant, depuis le 15 mai 1993, avec l’assassinat de Maitre Babacar Seye, le parti démocratique sénégalais était déjà visé, Mr Wade et trois membres de son parti arrêtés, puis libérés plus tard par manque de preuves.… Le 20 mai 1993 c’est l’arrestation du député Mody Sy dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de maître Babacar Seye. En garde à vue, il fut battu, torturé, il reçût des décharges électriques dans ses doigts et ses parties génitales…
Quelques semaines plus tard, suivront les arrestations en Juin 1993 de Ramata gueye, toujours dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Maître Seye, puis arrestation de Cledor Sène, Samuel Sarr et Assane Diop.
Le 30 octobre 1993: Serigne Moustapha Sy est arrêté suite aux propos tenus lors du meeting du 23 octobre où il déclarait que le Sénégal fait face à 3 crises majeures : crise de compétence, crise de confiance et crise d’autorité. Son emprisonnement serait à l’origine de l’attaque contre les policiers
Pour rappel, le parti démocratique avait comme allié Serigne Moustapha Sy le responsable moral des moustarchidiines wal Moustarchidaat, Landing Savane (PADS), et 4 autres partis constituaient la CFD (coordination des forces démocratiques). Et, à suivre la chronologie des événements post assassinat de Me Babacar Seye, nombreux sont ceux qui continuent de s’interroger sur la responsabilité des services de sécurité, accusés de n’avoir pas prévenu cette barbarie perpétrée sur les policiers.
En effet, à partir du 11 Janvier 1994, avec le franc CFA qui était dévalué, il était facile de prévoir dans ce même climat de tensions sociales, que les manifestations allaient se multiplier. Des manifestations contre les réformes du CFA, manifestation contre les cas de tortures, manifestations pour la libération des prisonniers d’opinion. Quelques jours plus tard, le verdict du procès de Serigne Pape Malick Sy condamné avec beaucoup de ses partisans le 14 janvier 1994 à un an de prison pour troubles de nature à discréditer l’Etat.
En Février 1994, quelques jours après la manifestation qui a découlé sur le meurtre des policiers, plus de 150 personnes ont été arrêtées et inculpées d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
La boucle sera bouclée le 18 février 1994, Abdoulaye Wade et Landing Savane sont arrêtés pour atteinte à la sûreté de l’état, des parlementaires également arrêtés, en violation à la procédure judiciaire relative à l’immunité parlementaire.
Pape SANÉ