Alain Giresse, ancien sélectionneur des Lions : « Le Sénégal avait des atouts, des arguments offensifs, mais… »

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Ancien sélectionneur du Sénégal, du Gabon, du Mali et de la Tunisie en Afrique, Alain Giresse fait le bilan de la CAN 2023 de Côte d’Ivoire. Expliquant la déroute de certaines grandes équipes dans cette interview avec STADES, il prévient que ces dernières doivent prendre conscience qu’il n’y a plus de petites équipes. Pour la déroute des Lions, il évoque un manque de réussite…

Entretien.

Faites-nous le bilan de la CAN 2023 avec son lot de surprises….

C’était une CAN bien organisée dans de bonnes conditions. Sur le plan sportif et le plan des résultats, c’est une CAN qui nous a surpris, parce qu’on ne s’attendait pas surtout à ce qui s’est passé dans les différentes rencontres. Et notamment à partir de certains moments avec les grandes nations du football, pour certaines elles ne sont pas allées au bout avec la montée en puissance des «petites» nations. Je veux parler des nations moins titrées, puis le pays organisateur qui a été au bord de l’élimination. C’est un miracle, la Côte d’Ivoire s’est ressuscitée. Ils ont eu beaucoup de réussite en demi-finale et finale. On a assisté à des matchs de niveau assez élevé, c’est une belle CAN.

Comment jugez-vous le niveau de cette CAN à 24 équipes ?

Ce n’est pas la première fois que la CAN passe à 24 équipes, mais la différence qui existait avant avec les grands pays de football s’est réduite. Cela permet d’avoir une densité dans le jeu, des imprévus dans les résultats, des surprises. Le niveau du jeu y était avec des équipes bien organisées, tactiquement bien en place. Cependant, les grandes individualités de football du continent, je veux dire les grands joueurs d’Afrique, n’ont pas tous été à la hauteur, peut-être à part Osimhen du Nigeria. C’est une CAN au niveau sportif assez homogène.

Comment analysez-vous les prestations des équipes africaines que vous avez eues à coacher, notamment la Tunisie, le Mali et le Sénégal ?

Je vais commencer par le Sénégal, qui était le tenant du titre. Il n’y a pas beaucoup d’équipes qui ont pu se succéder à elles-mêmes, à part l’Egypte qui a réussi à réaliser un 2ème titre et même 3 fois de suite. Le tenant du titre est toujours attendu. La réussite n’est pas là, ça ne se passe pas toujours comme on le souhaite. Pour l’élimination du Sénégal, la réussite n’était pas là, or pour aller jusqu’au bout, il faut de la réussite.

Après, il y a le Mali, c’est une équipe jeune qui joue bien au football. Ils ont manqué d’efficacité, de réalisme. En football, jouer bien est une chose, mais aussi il faut traduire la qualité de son jeu par du réalisme.

Ensuite, la Tunisie était en dessous de ce qu’elle était capable de produire. On sait que c’est une équipe qui s’appuie sur un collectif, sur une organisation. La Tunisie n’a pas pu se mettre au-dessus des adversaires qu’elle a affrontés.

Coach, pour le Sénégal vous avez dit qu’on a manqué de réussite. Mais, contre la Côte d’Ivoire, le Sénégal a laissé le jeu à l’adversaire, ils ont défendu or tout le monde savait que la Côte d’Ivoire était prenable pour le Sénégal.

Bien sûr que oui, le potentiel du Sénégal est à la hauteur d’une équipe qui peut gagner la Côte d’Ivoire et gagner la CAN. Pour gagner un titre, tout doit fonctionner à tous les niveaux : la mise en place de l’équipe, les secteurs de jeu défensivement et offensivement. Voilà ce qui fait qu’on gagne un titre et on devient champion. C’est tout ce qu’il faut pour que la performance se renouvelle pour le Sénégal. Vous dites que le Sénégal n’a fait que défendre, je n’irais pas jusque-là. L’équipe sénégalaise avait des atouts, des arguments offensifs, on ne peut pas dire que le Sénégal contre la Côte d’Ivoire a été hors sujet.

Ils ont laissé le jeu aux Ivoiriens….

On ne choisit pas si on laisse le jeu ou si les autres nous l’impose. Je ne peux pas entrer dans ces appréciations. On peut avoir un système qui n’a pas bien fonctionné, où l’adversaire peut vous imposer des choses. La Côte d’Ivoire avait survolé le match contre le Sénégal.

Qu’est-ce qui explique le sacre des Ivoiriens ? On ne les voyait pas du tout en finale, a fortiori soulever la coupe…

Quand vous perdez 4-0 lors du 3ème match contre la Guinée équatorial à domicile dans votre CAN, c’est une catastrophe, une honte pour les joueurs. C’est tout ce qui peut arriver de pire. Le Maroc a gagné son dernier match, ce qui a permis à la Côte d’Ivoire de finir meilleur 3ème pour se qualifier. Il y a eu une remise en cause, une prise de conscience de tous les joueurs qui se sont dit : «On a touché le fond, il faut qu’on réagisse et qu’on mette tout en œuvre pour renverser cette situation». C’est ce qu’ils ont réussi à faire, avec une dynamique où tout le monde s’est mis au labeur, à savoir l’effectif, tout le staff technique. Sans cela, ils ne pouvaient pas y arriver. C’est le football, on peut penser qu’une équipe est complètement à la dérive et on s’aperçoit qu’elle peut gagner. C’est une belle leçon que nous a démontré la Côte d’Ivoire.

Au-delà du Sénégal, il y a le cas de l’Algérie qui n’y arrive toujours pas avec Belmadi, le Maroc qu’on attendait eu égard à sa prestation à la Coupe du monde….

Maroc, Algérie, Tunisie, on les a cités, ce sont de grands pays du football. Ces grands pays n’ont pas été au bout. Il va y avoir une remise en cause. On ne peut pas s’endormir sur ses lauriers. C’est le sport, il ne faut pas sans cesse s’imaginer que notre talent suffit. Non, il faut mettre tous les ingrédients pour que ce talent puisse s’exprimer et donner des résultats. Il n’y a plus de petites équipes, on a vu le Cap-Vert, la Guinée équatoriale. Voilà pourquoi les grandes équipes doivent prendre conscience de cela. Ces grands joueurs de haut niveau, de valeur qui jouent dans les grands clubs, quand ils viennent en sélection, une fois qu’ils arrivent, il faut qu’ils rentrent dans un collectif fort face à «ces soi-disant petites équipes». Ce n’est pas souvent le même jeu qu’ils connaissent en Europe. Avec ces équipes, c’est un jeu très engagé, athlétique, des équipes qui mentalement ne lâchent rien. Il faut leur faire face et être capables d’affronter ces équipes-là. De se mettre à leur niveau, en plus d’apporter sa qualité technique qui permet de faire la différence.

Giresse à Dakar ? C’est pour quand ? Guy Stephen est souvent de passage au Sénégal…

Je passe à Dakar, mais je ne m’arrête pas. Je m’en vais en Guinée la semaine prochaine, s’il plaît à Dieu. J’aurais juste deux heures d’escale. Je dois regarder un match à Conakry. Je verrai avec ma disponibilité pour venir à Dakar un jour.

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