03 MARS 2021-03 MARS 2022:Retour sur l’affaire Sonko-Adji Sarr qui a failli brûler le Sénégal, 14 morts et plus de 600 blessés durant une semaine de folie 

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Il y a de cela 365 jours, le Sénégal a failli basculer dans le chaos. La cause ? L’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, suite à une plainte d’une jeune masseuse du nom de Adji Sarr. Celle-ci l’accusait de viols multiples et menace de mort. C’était le 3 mars 2021. Convoqué par le juge, le leader de Pastef avait vu son cortège bloqué par les forces de l’ordre sur le chemin du palais de justice. Après des échauffourées, son arrestation avait été ordonnée par le procureur de la République. Pour exiger sa libération immédiate, ses proches et sympathisants avaient pris d’assaut les rues de plusieurs villes du pays, brûlant des magasins et autres enseignes appartenant à la France. Ce, sans oublier les postes de police et autres bâtiments administratifs brûlés au cours de cette âpre bataille entre des partisans du leader de Pastef et les forces de défense et de sécurité du pays. Au bout de 72 heures d’émeutes, le candidat malheureux à la présidentielle de 2019 sera finalement libéré et mis sous contrôle judiciaire. Les manifestations pour sa libé- ration avaient fait 14 morts.

 Au début du mois de février 2021, une masseuse de 20 ans du nom d’Adji Sarr, officiant dans un cabinet à l’enseigne de Sweet Beauty, déposait une plainte contre Ousmane Sonko. Elle l’accusait de viols multiples et de menaces de mort. Dans une série de déclarations publiques, Sonko niait les faits soutenant que cette plainte procédait d’un complot ourdi par le président Macky Sall. Ce dernier démentait toute implication dans « cette affaire privée ». Toutefois, Sonko confirmait s’être rendu à plusieurs reprises dans le salon de massage en question et avoir été en contact avec la masseuse Adji Sarr, mais toujours en présence d’une autre personne. Ce qui n’avait pas empêché la machine judiciaire de se mettre en branle. C’est ainsi que l’immunité parlementaire du député de l’opposition a été levée le 26 février 2021. N’en ayant cure, Sonko annonce qu’il ne répondra pas à la convocation du juge avant de revenir sur sa décision. « Demain, à l’heure contenue dans la convocation, c’est-à-dire 9 heures, nous irons répondre, écouter le juge d’instruction au palais de justice de Dakar », indiquait-il, tard dans la soirée du mardi 02 mars 2021 devant la presse, justifiant cette décision par l’intervention de personnes dont il disait avoir écouté les conseils, notamment des représentants de la société civile, des milieux religieux et des partis d’opposition.

Comme promis, le lendemain du mercredi 03 mars 2021, le leader de Pastef a quitté son domicile pour aller répondre à la convocation du juge. Hélas, il a beaucoup traîné sur le chemin du Palais de justice, son cortège ayant fait le tour de quelques quartiers chauds de la capitale avant de vouloir passer par l’Université de Dakar. Et rien que sur l’itinéraire allant de chez lui, à la Cité Keur Gorgui, jusqu’à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, il a fait plusieurs heures à cause d’une foule immense qui était sortie pour l’accompagner. Une mobilisation folle qui avait d’ailleurs créé une situation incontrôlable dans la mesure où la foule de militants et sympathisants, qui accompagnait son cortège, ne cessait de grossier à mesure qu’il avançait et que le temps passait. Ce qui avait poussé d’ailleurs les forces de sécurité à lui demander de changer son itinéraire. Face à son refus, l’opposant sera donc arrêté et placé sous mandat de dépôt pour troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée.

Des heurts éclatent partout dans Dakar…

Dès l’annonce de son interpellation, des heurts ont opposé ses partisans aux forces de l’ordre dans la capitale. Après un retour au calme, le jeudi matin, Dakar s’était à nouveau embrasée dans l’après-midi, ses rues étaient redevenues le théâtre de scènes de violences. Manifestants et forces de l’ordre s’étaient livrés d’intenses affrontements pendant une partie de la journée. Aux jets de pierres, les policiers répondaient par des jets de lacrymogènes au milieu de rues bloquées par des pneus brûlés. Des scènes de pillage de magasins avaient été rapportées. Plusieurs témoins avaient également fait état de la présence de miliciens en civil évoluant aux côtés des forces de sécurité et s’at- taquant aux manifestants. Outre Dakar, des manifestations avaient aussi été enregistrées en Casamance où un jeune homme du nom de Cheikh Ibrahima Coly fut tué à Bignona. Une enquête avait été ouverte, selon le préfet de la ville, Babacar Diagne, à la suite de ce décès.

Télévisions suspendues, internet perturbé…

L’autre fait marquant de ces événements de mars 2021 était la coupure des signaux des chaînes SenTv et Walfadjari qui couvraient ces émeutes par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA). Lequel avait jugé que les deux médias faisaient « explicitement ou implicitement l’apologie de la violence » en diffusant des images in- citant à des troubles de l’ordre public, ou « de nature à constituer une menace pour la stabilité nationale ou la cohésion sociale ». Comme pour répondre au CNRA, des manifestants avaient assailli les locaux de la radio RFM à Dakar. Sur place, ils avaient brûlé des véhicules et caillassé les vitres des locaux de ce média ladite chaîne qu’ils accusaient d’être favorable au président Macky Sall. Face à la montée des manifestations, des restrictions avaient été observées sur Inter- net, en particulier dans les services de messagerie privée tels que WhatsApp et Télégramme, ainsi que dans les services de diffusion de vidéos, dont YouTube.

L’armée réquisitionnée

Pour mettre fin aux manifestations et autres saccages d’intérêts français et aussi de bâtiments administratifs, le gouverneur de Dakar avait fait appel à l’armée « pour le maintien et le rétablissement de l’ordre sur toute l’étendue du territoire » de la région. Des mesures qui avaient suscité l’inquiétude des organisations de la société civile. « Les militaires sont-ils formés pour le maintien et le rétablissement de l’ordre ? », s’était interrogé Seydi Gassama, le directeur d’Amnesty International au Sénégal, qui exigeait l’ouverture d’une enquête concernant les actes des forces de sécurité. Dès l’annonce de son interpellation, des heurts ont opposé ses partisans aux forces de l’ordre dans la capitale. Après un retour au calme, le jeudi matin, Dakar s’était à nouveau embrasée dans l’après-midi, ses rues étaient redevenues le théâtre de scènes de violences. Manifestants et forces de l’ordre s’étaient livrés d’intenses affrontements pendant une partie de la journée. Aux jets de pierres, les policiers répondaient par des jets de lacrymogènes au milieu de rues bloquées par des pneus brûlés. Des scènes de pillage de magasins avaient été rapportées. Plusieurs témoins avaient également fait état de la présence de miliciens en civil évoluant aux côtés des forces de sécurité et s’attaquant aux manifestants. Outre Dakar, des manifestations avaient aussi été enregistrées en Casamance où un jeune homme du nom de Cheikh Ibrahima Coly fut tué à Bignona. Une enquête avait été ouverte, selon le préfet de la ville, Babacar Diagne, à la suite de ce décès. Le samedi 6 mars 2021, le collectif Mouvement de défense de la démocratie (M2D), comprenant le parti de l’opposant arrêté, des formations d’opposition et des organisations contestataires de la société civile ont appelé « à descendre massivement dans les rues » à partir du lundi suivant. Ses dirigeants s’en sont durement pris au président Macky Sall, qualifié « d’apprenti dictateur ». Il a perdu « l’autorité morale » pour rester président, a dit un des leaders du mouvement, Cheikh Tidiane Dieye. Il s’en est tenu à ces mots quand la presse lui a demandé si le collectif appelait les Sénégalais à réclamer la démission de Macky Sall, président depuis 2012.

Le président accusé de complot

Tous les manifestants s’étaient dits convaincus de l’existence d’un « complot » orchestré par le parti au pouvoir si ce n’est par son chef, le président Macky Sall. Certains parmi eux accusaient la France. Le Mouvement de défense de la démocratie avait en effet désigné des « parrains étrangers » à qui Macky Sall s’emploierait à « faire plaisir ». Silencieux depuis le début, le chef de l’Etat finira par se prononcer sur les manifestations via son ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, qui appelle au calme et fait miroiter la perspective d’un allègement du couvre-feu instauré contre la pandémie et qui pesait sur l’activité d’un grand nombre de Sénégalais. Il n’avait pas manqué non plus de hausser le ton en pro- mettant que l’Etat emploierait « tous les moyens nécessaires » pour rétablir l’ordre. « Toutes les personnes auteures d’actes criminels seront recherchées, arrêtées, pour- suivies et traduites devant la justice », avait-il promis fermement.

Une journée plus calme samedi

Après avoir connu pendant trois jours ses pires troubles depuis des années, le Sénégal avait connu une relative accalmie le samedi 06 mars 2021, jour de relâche d’ordinaire. Des actes de saccage et de pillage avaient cependant continué à être rapportés, y com- pris contre des enseignes françaises. La tension risquait toutefois de renaître de nouveau le lundi avec l’appel lancé en ce sens par le M2D. Cette date coïncidait avec la présentation d’Ousmane Sonko devant un juge. La décision du magistrat de le relâcher ou de l’écrouer s’annonçait lourde de consquences. Le collectif réclamait « la libération immédiate de tous les prisonniers politiques illégalement et arbitrairement dé- tenus », le rétablissement du signal sus- pendu de Walf Tv et Sen Tv, accusées d’avoir diffusé « en boucle » des images des troubles, et une enquête sur ce que le mouvement appelle un « complot » du pouvoir. L’Afrique de l’Ouest (Cédéao) n’avait pas manqué de réagir en appelant « toutes les parties à la retenue et au calme ». L’Union africaine avait elle aussi exprimé sa « préoccupation » et son attachement à une solution « par la voie pacifique, le dialogue et dans le strict respect de l’ordre ».

Conduit au tribunal tôt dans la matinée du lundi 8 mars 2021, Ousmane Sonko comparaissait devant Samba Sall, l’alors doyen des juges décédé quelques semaines après les faits, qui l’avait avant de le placer sous contrôle judiciaire, « assorti de certaines conditions ». Son passeport confisqué, Ousmane Sonko est tenu depuis lors de demander l’autorisation du juge s’il souhaite voyager. Une autorisation qui ne lui a jamais été accordée, malgré les demandes répétées de ses avocats. Le leader du Pastef devrait aussi se présenter chaque dernier vendredi du mois devant le juge. Il devrait également se mettre à disposition des en- quêteurs, au cas où le juge saisirait la police ou la gendarmerie dans le cadre de l’en- quête qui le vise. Le calme était revenu juste après sa libération comme si de rien ne s’était jamais passé dans le pays. 12 mois après, rien ne bouge dans ce dossier. Le peuple, lui, retient son souffle et espère connaître un jour toute la vérité sur cette affaire qui a fait 14 morts et plus de 600 blessés… Sans compter des dégâts matériels estimés à des milliards de francs !

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