Entre le Mali et la France, les choses se dégradent de plus en plus. Mais depuis le début du bras de fer entre ces deux pays sur fond de mésentente sur le retrait ou la réorganisation du dispositif Barkhane et de la présence de mercenaires de la compagnie de sécurité privée Wagner, on n’a jamais été aussi proche de la rupture. C’est du moins ce que montrent les décisions et répliques des protagonistes les uns envers les autres ce mois-ci.
Le 12 janvier, les hostilités qui avaient déjà connu leur envol seront envenimées par une affaire de « violation de l’espace aérien malien » par un aéronef français effectuant un vol sur le trajet Abidjan-Gao-Abidjan. Le gouvernement malien affirme avoir dénoncé « cette violation de l’espace aérien auprès d’autorités françaises qui ont, au demeurant, décidé de soutenir les sanctions de la CEDEAO parmi lesquelles figure la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ses pays membres avec le Mali ».
En guise d’avertissement, les autorités maliennes déclinent « toute responsabilité relative aux risques auxquels les auteurs de ces pratiques pourraient s’exposer, en cas de nouvelle violation de notre espace aérien ».
L’Autorité régionale de l’aviation de l’Afrique de l’Ouest a appuyé la position du Mali en jugeant la violation de son espace non conforme à la suspension des vols en provenance des États membres de la CEDEAO. Ce à quoi le Niger a répondu en soulignant qu’il avait été ressorti d’un entretien entre le secrétaire exécutif de la CEDEAO et le ministre nigérien des Affaires étrangères et de la Coopération que les aéronefs militaires ne sont pas concernés par l’embargo aérien sur le Mali. Pas suffisant pour éteindre la polémique qui s’est aussitôt déplacée sur la légitimité de la présence des militaires français et de la remise en cause des accords de défense entre la France et le Mali.
Le 16 janvier, répondant à Wassim Nasr de France24, le ministre Abdoulaye Diop assume : « le Mali a demandé la révision du Traité en matière de défense qui le lie à la France. Les amendements ont été soumis. Le ministre soutient que « certaines dispositions violeraint la souveraineté du Mali et de notre constitution. »
« Par exemple, l’État malien ne peut pas survoler certaines parties de notre propre territoire. Le gouvernement a cessé d’observer cette disposition », ajoute-t-il. Plus prolixe, le Premier ministre a allégué qu’un avion malien n’avait pas pu survoler la zone de Tassiga, dans le nord, sous prétexte qu’il ne pourrait pas passer au-dessus d’un terrain d’entraînement de la force Takuba.
Rfi précise que Bamako a envoyé le 31 décembre au ministère des Affaires étrangères de la France des propositions d’amendements aux accords de coopération militaire datant de 2013, révisé en 2014 et 2020. Alors qu’il est indiqué dans le même article que la réponse de Paris prendra une dizaine de jours, on apprend que les opérations françaises ne sont pas perturbées par ces épisodes comparables à des scènes de ménage.
Le 24 janvier, le gouvernement malien s’offusque du déploiement d’une unité danoise au Mali dans le cadre de la Task Force Takuba « sans son consentement et sans considération du Protocole additionnel applicable aux partenaires d’opération européens devant intervenir au Mali, dans le cadre de la Force « TAKUBA » ».
Ledit accord prévoit, selon Bamako, la conclusion d’un accord bilatéral entre le Mali et les pays partenaires. « Par conséquent, sans préjudice des relations d’amitié et de coopération fructueuse entre la République du Mali et le Royaume de Danemark, le gouvernement de la République du Mali invite la partie danoise à retirer immédiatement ledit contingent du territoire de la République du Mali », exige un communiqué signé par le porte-parole du gouvernement, le Colonel Abdoulaye Maïga.
La semaine qui a précédé cette importante demande du gouvernement malien, le Danemark avait annoncé l’arrivée au Mali de 90 hommes composés de soldats d’élite pour participer à l’autonomisation des forces régionales dans la lutte contre le terrorisme.
Les pays contributeurs à la Force Takuba ont regretté la demande formulée par Bamako et ont rappelé que la présence des forces danoises repose sur une invitation du Mali et « respecte la procédure juridique agréée par les services juridiques des ministères maliens des Affaires étrangères et de la Défense et des Anciens combattants. »
Le lendemain, les autorités de la transition reviennent à la charge et réclament le départ du Danemark qui, finalement, va donner une suite favorable aux exigences du Mali. Selon le ministre danois de la Défense, « les forces armées vont maintenant commencer à planifier afin que le rapatriement du personnel et du matériel puisse avoir lieu dès que possible ».
Inspiratrice de la force Takuba dans laquelle ses militaires sont majoritaires, la France considère ce énième coup du gouvernement de Choguel Maïga comme un affront et par la voix de son ministre des Affaires étrangères et de l’Europe, qualifie la junte d’ « illégitime ».
À travers une interview accordée à France 24 et RFI, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop demande à la France de respecter son pays. Ce lundi 31 janvier, on apprend que l’ambassadeur de France à Bamako est sommé de plier bagages dans les 72 heures. Un nouveau palier franchi dans ce qui, inéluctablement, risque de se terminer par une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Ce ne serait que suite logique des actes posés de part et d’autre au cours de ce janvier de tous les extrêmes !