Mondial-2022 : Sénégal, un échec programmé?

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Visant le dernier carré de la Coupe du monde 2022, le champion d’Afrique en titre a été sorti dès les 8èmes de finale par l’Angleterre (3-0). Au-delà de l’absence de Sadio Mané du tournoi et de certains cadres contre les Three Lions, le fiasco porte également les empreintes d’un mauvais management.

Le Sénégal rêvait grand, très grand même, pour cette Coupe du monde 2022 (du 20 novembre au 18 décembre). Avec un effectif bien fourni, les Lions, la fédération et le staff avaient affiché leur ambition de marquer l’histoire : c’est-à-dire être la première équipe africaine à s’inviter dans le carré d’as de la plus grande compétition de football de la planète. Au lendemain du titre continental conquis en terre camerounaise en février dernier, l’appétit était devenu plus prononcé. 

Le président de la République avait été très emballé. Dans l’euphorie de la victoire finale à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), il avait exprimé une requête : «En vrais conquérants, je suis sûr que vous gardez à l’esprit les prochaines échéances des barrages de la prochaine Coupe du monde (…) Pour la Coupe du monde, je ne vous demande pas d’aller ramener le trophée, mais j’aimerais vous voir atteindre les demi-finales. C’est juste ce que je vous demande. Aliou (Cissé), je crois que vous en êtes capables», avait-il formulé lors de la cérémonie de décoration et de récompenses des champions d’Afrique.

Dix mois après, le constat est implacable. C’est devenu une chimère car le Sénégal n’a pu franchir le cap des huitièmes de finale. La fin du parcours est même plus désastreuse qu’on ne pouvait l’imaginer : une claque reçue face à l’Angleterre (3-0), dimanche dernier.

Il est vrai que les Lions ont fait un progrès par rapport à leur dernière participation où ils s’étaient arrêtés à la phase de poules à la grand-messe du football mondial de 2018 en Russie. Mais ce parcours de 2022 ressemble donc à un échec, vu l’ambition affichée dès le départ. Et dans de pareils cas, il faut faire une analyse objective. La mienne repose sur plusieurs facteurs.

L’absence de Gana et Kouyaté contre l’Angleterre

Le succès des Three Lions ne souffre d’aucune contestation. Harry Kane et ses partenaires ont surclassé la bande à Aliou Cissé, qui n’a pu s’empêcher de reconnaître, dans la foulée du revers, qu’il y avait une classe d’écart entre les deux équipes. Mais on peut expliquer la différence de niveau par l’absence de deux cadres de la Tanière : Idrissa Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté. Deux joueurs d’une expérience notoire. Deux éléments qui ont le sens du sacrifice sur le terrain.

Sans ces deux, la bataille du milieu de terrain était presque perdue d’avance. Gana et Kouyaté connaissent bien la culture de jeu des Anglais, puisqu’ils évoluent en Premier League. Le milieu de terrain d’Everton (33 ans) s’est d’ailleurs fait un nom à travers ce championnat, avec ses statistiques impressionnantes, en termes d’interceptions de balles, de tacles réussis… En plus, sa technique et sa discipline tactique ne sont plus à démontrer. L’ancien joueur du Paris Saint-Germain (PSG) a été peut-être le meilleur sénégalais dans ce tournoi.

Quant à Kouyaté, il est moins technique, mais son abattage est sans aucune mesure. Présent en Premier League depuis 2014, le milieu de terrain de Nottingham Forest est un joueur atypique. Il garde toujours cette capacité à resurgir à n’importe quel moment. Déchu de son brassard de capitaine au Mondial-2018, l’ancien sociétaire de West Ham a démontré qu’on peut toujours compter sur lui, qui va fêter ses 33 ans le 21 décembre prochain. Son match perdu (2-0) contre les Pays-Bas (première journée de ce Mondial) en était la parfaite illustration. Ceux qui pensaient que son temps en sélection était révolu devraient certainement revoir leur position.

Le Sénégal a été donc privé de deux mastodontes qui pouvaient rivaliser avec les Jordan Henderson, Declan Rice dans l’entrejeu… De l’expérience en moins ! Deux experts en matière de harcèlement et d’agressivité dans le jeu.

Le forfait de Sadio Mané

Dans un article publié à l’annonce de son forfait pour ce Mondial, on avait fait remarquer que le Sénégal perdait son «cœur» du jeu. D’ailleurs, le scepticisme s’est vite installé chez les Sénégalais. Car le Sénégal sans Sadio Mané pour ce grand rendez-vous footballistique au Qatar, c’est un peu la France sans Kylian Mbappé. L’enfant de Bambali (région de Sédhiou) est l’homme à tout faire dans cette Tanière. Le joueur de classe mondiale, le deuxième au classement du Ballon d’Or France Football 2022, celui qui fait peur à l’adversaire. Finisseur, passeur décisif, perforateur des lignes adverses…, la palette de l’ancien joueur de Liverpool a porté l’équipe ces dernières années. Un attaquant véloce, efficace et audacieux. Un profil vraiment multiforme et rare dans le football.

Sans compter son expérience du haut niveau. Le vainqueur de la Ligue des champions 2019 a des chiffres qui exposent à merveille son influence dans le jeu des Lions. Avec 32 réalisations, l’attaquant du Bayern Munich a détrôné Henri Camara (31 buts) de son statut de meilleur buteur de l’histoire de la sélection.

D’un autre côté, le joueur de 30 ans est celui qui donne plus de confiance, transmet une certaine énergie sur le terrain.

Les erreurs d’Aliou Cissé

On l’aura beau surnommé El Tactico, Aliou Cissé a commis quelques erreurs. Normal, pour un humain. Mais le patron de la Tanière aurait pu éviter certaines fautes. La plus évidente est celle de n’avoir pas appris à jouer sans Sadio Mané. Le sélectionneur ne s’est jamais privé d’aligner l’ancien pensionnaire de Génération Foot. Même lors des matchs amicaux.

Il n’a non plus donné à Iliman Ndiaye le temps nécessaire pour pouvoir s’adapter au jeu des Lions et à la compétition internationale. Malgré le potentiel qu’il démontre en Championship (D2 anglaise), l’attaquant de Sheffield United s’était contenté de quatre petites minutes lors des deux rencontres amicales de la fenêtre FIFA de septembre (contre Bolivie 2-0 et face à l’Iran 1-1).

La faute des dirigeants

Le parcours des Lions dans ce tournoi a prouvé à suffisance que le Sénégal était très loin du niveau des grandes nations de football. Parce que le champion d’Afrique n’a pu contenir les Pays-Bas (défaite) ni l’Angleterre. Les deux succès ont été obtenus contre le Qatar (3-1) et l’Équateur (2-1), deux sélections de «D3» et «D2»  mondiales.

La leçon qu’il faut en tirer est qu’on doit oser affronter les meilleurs pour grandir, et non prendre des équipes moyennes pour préparer une compétition de ce genre. Le haut niveau s’acquiert avec l’expérience qui vous permet de gommer certaines erreurs, de voir certains détails. Ces dernières années, le Sénégal n’a eu qu’une affiche de prestige : c’était contre le Brésil en 2019 (1-0). Au moment où le Ghana et la Tunisie ont pu décrocher les quintuples champions du monde en direction du mondial qatari.

Le sélectionneur Cissé a, certes, commis des erreurs, mais il n’a pas été bien aidé par l’instance dirigée par Me Augustin Senghor.

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