C’est à l’âge de 74 ans, que le père du socialisme sénégalais, Leopold Sédar Senghor cèdera la place au président Abdou Diouf en sa double qualité de président de la République et de patron du parti socialiste. Dès après la première alternance en 2000, et jusqu’en 2012 le parti socialiste s’est attelé à reconquérir le pouvoir. Ce n’est qu’après deux échecs aux élections présidentielles que le successeur de Diouf, en l’occurrence Ousmane Tanor Dieng, voulant participer à la chute de Wade en 2012, va se ranger derrière Macky Sall dans la coalition Benno Bokk Yakaar. Un regroupement politique où le parti socialiste va connaître des remous révélateurs.
« Nous sommes des socialistes, porteurs d’un projet de société. Nous sommes en train d’élaborer un programme pour le Sénégal. Mais il faut savoir que nous ne pouvons pas le faire en restant dans Benno Bokk Yakaar. Une démocratie elle est vivante, dynamique et contradictoire. Les populations doivent toujours avoir le choix. Ce que nous voulons c’est mettre un programme politique adossé au projet de Senghor! » Cette déclaration de Khalifa Sall ancien membre du bureau politique du parti socialiste, dans un entretien en janvier 2017, semble être toujours d’actualité chez les socialistes.
Du Bloc Démocratique Sénégalais au Parti Socialiste, le trajet pour la sauvegarde des valeurs socialistes qui avaient été incarnées par Senghor, Mamadou Dia et les autres partisans du même courant, ont longtemps porté les valeurs cardinales du socialisme. Un grand parti comme le Parti socialiste, qui a fait savoir ce qu’est l’État-nation, qui a eu avec son école du parti, à former et présenter aux sénégalais de grandes figures politiques ne doit pas être absent de l’échiquier politique sénégalais. C’est d’ailleurs l’avis de certains membres du parti socialiste avec qui Dakaractu a échangé. « Aujourd’hui, le parti ne joue plus le rôle qu’il devrait jouer, c’est la réalité. Sur chaque situation le parti socialiste se prononçait avec notamment des séminaires, des communiqués, sur la marche du pays, des universités d’été, des rencontres scientifiques etc. Qu’on le veuille ou non, ce parti n’est plus à ce stade d’animation », considère Lamine Diouck responsable politique du parti à Tivaouane qui laisse entendre la nécessité de se réinventer maintenant et de se donner les moyens qu’il faut avec de nouvelles dynamiques, de nouvelles têtes.
Inéluctablement, il urge de renouveler et de donner un nouveau souffle au parti. Pour Lamine Diouck, Serigne Mbaye Thiam a une certaine légitimité et peut jouer ce rôle visant à porter le parti, à le diriger. Pour le socialiste, il n’est pas certes le seul, mais aujourd’hui, même s’il y’a d’autres personnes capables de recoller les morceaux et de brandir le drapeau du parti socialiste, l’essentiel est de renouveler le parti par un congrès extraordinaire.
Si le parti veut survivre, il doit se diriger vers ce remodelage, cette restructuration bien évidemment, devra se faire au sein des héritiers d’Ousmane Tanor Dieng. Mais qui sont réellement ces héritiers ?
De l’avis de l’analyste politique Ibrahima Bakhoum sur la situation du parti socialiste, s’il s’agit de légitimité, oui on peut dire que Serigne Mbaye Thiam l’est, d’abord en termes d’ancienneté, d’expérience, mais aussi il faut rappeler que quand beaucoup de socialistes ont quitté, il est resté dans le parti. « Peut-être qu’il voulait une autre orientation du parti. Mais disons que ce qui reste du parti socialiste, en terme de force, on peut considérer que le parti ne doit pas fonctionner sous l’ombre d’un disparu. Il faut travailler avec son temps. C’est-à-dire, même si dans Benno, le compagnonnage continue avec des distributions très défavorables, des gens ont tenu à subir ce qui est profitable au parti du pouvoir », relate M. Bakhoum.
Mais est ce qu’il s’agit simplement de légitimité dans un parti pour le diriger ? Quid des considérations politiques ?
Pour le cas de Serigne Mbaye Thiam, il faut signaler qu’il est très contesté dans le parti. L’hypothèse sur une jonction avec Taxawu Dakar de Khalifa Sall peut être aussi, une option selon notre interlocuteur.
« Pour le cas de Serigne Mbaye Thiam, il faut signaler qu’il est très contesté dans le parti. Il ne fait pas l’unanimité. Or, en politique, la capacité de fédérer les forces est essentielle », considère Maurice Soudieck Dione qui se confie à Dakaractu pour, également donner son point de vue sur cette situation. D’ailleurs, allant plus loin dans son analyse sur ce cas précis au sein du parti socialiste, Dione estime que le principe du président Macky Sall, dans le cadre de l’alliance, a été soutenu par deux principaux partis : le Ps et l’Afp. Maintenant, la stratégie avait été de fidéliser ses deux souteneurs mais tout en décourageant en leur sein, l’expression de tout leadership pouvant concurrencer le sien. Aussi, il a fallu pour lui, de rogner en quelque sorte, leur représentativité. Pour Maurice S. Dione, le président Macky Sall a bien renforcé son camp au détriment des alliés. Ces alliés se sont rendu compte tardivement de cette dynamique qui a contribué à freiner l’allure de ces partis traditionnels. « La difficulté pour le parti socialiste est dans le leadership. Même si les gens se rebellent, la problématique du leadership est une réalité. » La question à se poser est présentement quel est le leader qui a l’envergure nationale et qui peut fédérer le parti pour éventuellement se positionner en 2024.
La dynamique de retrouvaille au sein du parti socialiste s’impose : « Il n’y a pas plus représentant de l’image du Ps que, Khalifa Sall, Barthélémy Dias, Serigne Mbaye Thiam ou encore Aminata Mbengue Ndiaye. Maintenant, si ces quatre peuvent se retrouver, c’est tant mieux », considère Ibrahima Bakhoum. Maintenant, en politique c’est la visibilité, mais dans la perspective de 2024, le parti socialiste aura-t-il le temps de construire d’autres icones ?
Dans la même logique, il faut penser que le Ps même dans la dynamique de l’union, ne peut pas recoller les morceaux tant qu’il n’a pas ce leader rassembleur, charismatique et accepté de tous. D’où les effets pervers du contrôle de l’appareil partisan que souligne Maurice Dione estimant que l’expression du leadership de concurrence est étouffée. L’hypothèse sur une jonction avec Taxawu Dakar de Khalifa Sall ne peut-il pas, dans ce cas être envisageable ?