La mal information dans l’affaire Adji-Sarr (Par Emmanuel Desfourneaux)

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La mal information dans l’affaire Adji-Sarr

En parcourant un article sur un média sénégalais en ligne, je tombe sur un titre dont l’énoncé m’interpelle :« Affaire Adji-Sarr-Sonko à la Cour européenne : un juriste clôt le débat… »Pas de répit, dès le premier paragraphe, je suis assommé par tant d’ignorance juridique de la part du journaliste. Ce dernier informe comme suit : « Des partisans de Adji Sarr veulent porter l’affaire à l’international, et plus exactement à la Cour européenne des droits de l’homme. »Il s’ensuit un quiproquo avec l’analyse pertinente du Pr Iba Barry Camara. Durant son interview, il n’évoque nullement la Cour européenne des droits de l’homme, mais une convention internationale signée entre la Belgique et le Sénégal (relation bilatérale). Cette convention attribue une compétence « spéciale » (hors souveraineté) à la Belgique pour connaître des crimes les plus élevés dans la hiérarchie de l’horreur humaine : crimes de guerre, génocide…

D’ailleurs, pour la Belgique (mais aussi pour la France dans une moindre mesure), il n’est nul besoin d’avoir une convention ad hoc (même si celle-ci peut faciliter l’extradition). Ce pays européen a consacré dans son ordre juridique le concept d’universalité. Pour faire simple, cela donne compétence aux juridictions belges de « s’auto-saisir » de crimes contre l’humanité, quels qu’en soient la nationalité de l’auteur, et le lieu de la commission du crime. Il suffit à une victime de porter plainte auprès du parquet bruxellois.

Peu importe que l’incriminé se la coule douce sur les plages de Saly !Il y a donc un déphasage entre le titre et le premier paragraphe, et la réponse de l’expert en droit pénal. Cela engendre, auprès des lecteurs non avertis, une mal-information, voire une désinformation.Par ailleurs, en lisant le premier paragraphe, il y a une grande confusion entre Bruxelles et la Cour européenne des droits de l’homme. Quand je commence mes stages en droit international, j’explique toujours l’importance de faire un distinguo entre : l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.

La Cour européenne des droits de l’homme, c’est à Strasbourg. Et cette Cour relève du Conseil de l’Europe qui accueille un plus grand nombre d’Etats que l’Union européenne. Ce sont deux organisations internationales (à vocation régionale) distinctes. Quant à l’union européenne, elle dispose de sa propre Cour de justice au Luxembourg (et non Bruxelles !). C’est elle qui peut connaître des affaires en droits de l’homme dans le ressort de l’Union européenne. En conséquence, les 2 juridictions des droits de l’homme en Europe sont strictement incompétentes pour juger de l’affaire Adji-Sarr ! Et, plus généralement, l’affaire Adji-Sarr ne connaîtra aucun rebond judiciaire en Europe malgré les tentatives des partisans d’Adji-Sarr. Cette affaire politico-judiciaire n’a nullement besoin d’imprécisions juridiques.

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