Le sélectionneur Aliou Cissé s’exprime ce mois-ci dans les colonnes du numéro de Onze Mondial. L’occasion pour le sélectionneur du Sénégal de se prêter au jeu de l’instant tactique.
Sa vocation de coach
« Oui, c’était une vocation, quelque chose à quoi je pensais durant ma carrière de joueur. Automatiquement, avant même d’arrêter – parce que je pouvais continuer, physiquement, j’avais encore la force de jouer deux ans – j’ai décidé d’arrêter ma carrière pour passer mes diplômes d’entraîneur. Il y a beaucoup de choses que j’absorbais sans comprendre les raisons quand je jouais, là, j’avais besoin de savoir quelles étaient ces raisons. Quand tu es footballeur, tu n’as pas la même approche que quand tu es entraîneur. Quand tu es entraîneur, tu dois connaître les raisons du « comment » et du « pourquoi ». On gagne, il y a des raisons à cela, on perd, il y a des raisons aussi. La différence, c’est que lorsque tu es footballeur, tu n’es centré que sur toi-même, tu ne penses pas à autre chose qu’à tes performances individuelles. Alors que moi, l’entraînement est une chose, mais après l’entraînement, c’est là que tout mon travail commence. Tu dois te soucier de 23 joueurs, un staff technique, un staff médical, les journalistes, les conférences de presse, tout ça fait que vous ne pouvez pas avoir la même mentalité et la même approche en tant que joueur. C’est véritablement un autre niveau. »
Le fait d’être un modèle
« Je ne sais pas si aujourd’hui je suis un exemple. Oui, on a gagné la CAN, mais en 2019, quand on a perdu, peut-être que personne ne voulait s’inspirer de ce que nous faisions donc nous restons humbles. Gagner ne veut pas dire qu’on est le meilleur entraîneur au monde. Gagner, c’est bien, mais nous continuons à progresser parce que nous sommes aussi de jeunes entraîneurs. Ce n’est pas parce que l’on a gagné que l’on se prend pour ce que nous ne sommes pas. On a cette humilité et c’est ce qui fera qu’à un moment donné, on avancera. Maintenant, bien sûr que nous sommes là pour ce continent. Quand ce continent a besoin de nous, nous sommes là pour donner notre savoir-faire, ce que nous pensons du football africain et du style africain comme cela peut exister pour le style espagnol, portugais, allemand, français. Je pense qu’aujourd’hui, à travers moi, à travers Florent Ibenge, à travers Djamel Belmadi, il y a quelque chose qui est en train de se passer au niveau des entraîneurs sur le continent africain. Notre rêve, c’est que l’expertise africaine soit valorisée aussi, que les gens comprennent qu’en Afrique, il y a de très bons entraîneurs et que nous sommes capables d’avoir une réciprocité, un respect mutuel, et de savoir qu’un entraîneur occidental peut venir entraîner en Afrique parce qu’il a la compétence, mais aussi qu’un entraîneur africain qui a gagné, qui a fait de très bonnes choses en Afrique est capable d’exister sur les championnats français, espagnol, anglais et allemand. Il y a combien d’entraîneurs africains en Europe ? (Silence) Voilà. C’est le débat. C’est là où il faut qu’on aille. En France, il y a combien d’entraîneurs issus des minorités ? En Angleterre, il y en a combien ? Au Portugal ? En Allemagne ? Quel est le problème ? C’est aux décideurs de nous dire. »
Ses inspirations
« Les entraîneurs que j’ai eus quand j’étais jeune. J’ai eu de très, très bons formateurs, de très, très bons entraîneurs. Très vite, j’ai eu la chance de m’entraîner avec Jean Fernandez à Lille qui m’a amené avec l’équipe première alors que j’avais 16, 17 ans. J’ai appris la rigueur du football professionnel, j’ai appris à être prêt physiquement, à être « esclave » de ce métier-là. La rigueur, la compréhension du jeu, avec Jean Fernandez, j’ai appris beaucoup de choses. Hervé Gauthier a été aussi quelqu’un de très inspirant dans ma formation, Bruno Metsu, Philippe Bergeroo, Luis Fernandez… En Angleterre j’ai rencontré des entraîneurs comme Harry Redknapp, Steve Bruce et avec chaque coach, j’ai pu apprendre, car chacun avait un style de jeu, une identité de jeu et une vision du football différents. En France, les entraîneurs ont une vision différente, il faut prendre ce qui est bon chez les Anglais dans leur mentalité de gagneurs, dans leur fighting-spirit, dans l’agressivité qu’ils mettent, mais aussi cette qualité organisationnelle à la française. Avec tout ça, on arrive à avoir un background assez intéressant donc c’est l’occasion pour moi de remercier tous ces entraîneurs avec qui j’ai appris car c’est grâce à eux que je suis là où je suis aujourd’hui. Ces dernières années, les entraîneurs allemands m’ont impressionné. »
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