Plusieurs mois pour obtenir un entretien avec Aliou Cissé. Pris de vitesse par l’engouement qu’il suscite, le sélectionneur du Sénégal préférait tempérer. « Nous avons décidé d’abord de faire avant de venir parler », se justifie l’ancien défenseur du Paris Saint-Germain. Champion d’Afrique en janvier dernier, le coach de 46 ans est le premier invité de la saison de notre rubrique « Instant Tactique ». Installé dans le jardin d’un proche, Sanou, en région parisienne, Aliou a épaté par la profondeur de ses propos.
Voici quelques extraits de notre interview de Aliou Cissé. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°353 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 1er septembre. « Je ne suis pas figé sur une philosophie ou une identité, c’est surtout avoir un style de jeu qui est important. »
La venue dans le football
Je ne suis pas tombé dans le football, c’est le foot qui est tombé à moi. Comme tout garçon né en Afrique dans un quartier populaire, le sport numéro 1, en tout cas le sport le moins coûteux pour les parents, c’est le football. Dans le quartier, tout le monde joue au foot. Donc je suis tombé dedans comme ça, dans la rue, dans un quartier qui s’appelle Kandé Banéto, à Ziguinchor, dans le sud du Sénégal. À partir de là, j’ai commencé à jouer dans la rue. Mes parents sont venus en France donc je suis venu ici en regroupement familial dans le 94 et à partir de là, j’ai joué à Champigny, à Joinville et à Viry-Châtillon en cadets. De là, je suis parti à Nîmes.
L’approche du football
Je n’ai pas la même approche du football que quand j’étais joueur, c’est différent. Depuis, le jeu s’est amélioré, la mentalité des joueurs et le rythme aussi. Les outils d’entraînement et de préparation sont mieux, sur le plan physique, les joueurs sont des athlètes, au-delà de leurs qualités individuelles et techniques. J’ai l’impression que le jeu va beaucoup plus vite. Mais avant nous, la génération précédente disait qu’on allait plus vite. C’est l’évolution qui veut ça.
Ce n’est plus la même chose, les mentalités ont beaucoup évolué. Avant, il y avait un entraîneur et il était la base de tout, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. L’entraîneur est obligé de discuter avec les joueurs, même sur le plan tactique, il doit réussir à ce que les joueurs adhèrent et pour cela, il faut en parler, il faut discuter. Avant, l’entraîneur disait : « On joue en 4-4-2 », tout le monde se mobilisait et on jouait en 4-4-2. Aujourd’hui, si vous jouez dans un système et que demain vous voulez évoluer dans un autre système, vous êtes obligé d’en parler avec les joueurs et de demander leurs sensibilités.
La vision du football
Le football reste le même. Les bases sont les mêmes. Tout homme a ses sensibilités, son background, son passé et peut-être que l’on entraîne aussi par rapport à ses sensibilités. Certains sont plus glamours, d’autres plus agressifs ou plus philosophiques, en réalité, tout dépend de ce que vous êtes. Je pense que chaque entraîneur entraîne son équipe et veut donner une identité, un style à son équipe qui ressemble un peu à l’homme qu’il est.
Le passé de joueur, un avantage ?
Non, du tout. Dans ma carrière de footballeur, j’ai rencontré d’anciens joueurs qui ont été des entraîneurs et aussi des entraîneurs qui n’ont pas réussi une grosse carrière. Et pourtant, j’ai beaucoup appris d’eux parce que c’est une autre façon de manager, une autre mentalité de management. Pour moi, entraîneur, c’est une vocation différente.
Le schéma tactique préféré
Ces dernières années, j’ai souvent joué avec deux-trois schémas différents parce que j’ai des joueurs capables de s’adapter à des schémas différents. J’ai commencé en 4-2-3-1, j’ai joué aussi en 4-4-2 ces derniers temps et le système avec lequel on a le plus joué, c’est le 4-3-3 avec une sentinelle et deux relayeurs. Mais nous voulons aussi peaufiner d’autres systèmes, comme ceux pour jouer à trois derrière, le 3-5-2 ou le 3-4-3, du moment que l’on a les joueurs et que tout le monde adhère, je crois qu’on en a la capacité. On a un groupe capable de jouer dans plusieurs systèmes.
Le système le plus équilibré
Il n’y a pas de système plus équilibré qu’un autre, je crois que c’est surtout l’animation qui est fondamentale. Le système est juste un support, ce qui est important, c’est l’animation, la mentalité des joueurs. Il n’y a pas un système qui va vous donner la garantie de gagner un match. Sinon, tous les entraîneurs feraient pareil.
La différence entre une bonne et une mauvaise tactique
Celui qui gagne et celui qui perd. Tout simplement. Quand tu perds, on te dira toujours que ta tactique n’était pas bonne, que tes choix n’étaient pas bons. Quand tu gagnes, les gens peuvent mettre en doute ton schéma tactique, mais les résultats sont là. Chacun a son point de vue sur le schéma tactique. Mes sensibilités ne sont pas celles d’un autre entraîneur. Il faut surtout garder ses convictions et mettre en place ce qu’on a envie de mettre en place.
Un poste en club peut-il vous intéresser ?
Oui, bien sûr. Cela fait 10 ans que je suis sélectionneur donc oui, c’est un projet qui m’intéresserait. Travailler dans un club qui veut mettre un vrai projet en place m’intéresserait parce que je suis un homme de projets. J’ai besoin de travailler sur le moyen et le court-terme comme ça l’est avec le Sénégal. Mais aujourd’hui, je suis au Sénégal. Mon esprit et ma tête sont au Sénégal. On verra peut-être après la Coupe du Monde.
Le mot de la fin
J’espère que toute personne qui lira cette interview comprendra que nous sommes en train de faire notre travail. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en Europe qu’on est moins bons que les autres, ce n’est pas parce qu’on ne parle pas que l’on ne sait pas ce que l’on fait. Nous avons décidé d’abord de faire avant de venir parler. Dans notre jargon, c’est ça.
Pour résumer
Plusieurs mois pour obtenir un entretien avec Aliou Cissé. Pris de vitesse par l’engouement qu’il suscite, le sélectionneur du Sénégal préférait tempérer. « Nous avons décidé d’abord de faire avant de venir parler », se justifie l’ancien défenseur du Paris Saint-Germain. Champion d’Afrique en janvier dernier, le coach de 46 ans est le premier invité de la saison de notre rubrique « Instant Tactique ». Installé dans le jardin d’un proche, Sanou, en région parisienne, Aliou a épaté par la profondeur de ses propos.